Polyarthrite Rhumatoïde

Femmes & PR : Spécificités Physiologiques

Des différences immunologiques entre hommes et femmes
Le rôle du chromosome X

De façon générale, les femmes présentent des réponses immunitaires innées et adaptatives (humorales et cellulaires) plus importantes que les hommes. Cela peut s’expliquer notamment par la présence de certaines hormones, dont les oestrogènes, mais également par une organisation différentes des chromosomes. Les femmes présentant deux copies du chromosome X, la transcription des gènes portés par ces chromosomes conduirait à une surexpression des molécules associées.

Le processus d’inactivation des chromosomes permet d’éviter cette surexpression. Cependant, il est incomplet, puisque près de 15 % des gènes portés par le chromosome échappent à l’inactivation, ce qui engendre une surexpression de certains gènes chez les femmes.

Le chromosome X est par ailleurs porteur d’un plus grand nombre de gènes associés aux réponses immunitaires que le chromosome Y, avec notamment certains gènes dont la surexpression pourrait avoir un impact important et sexe-dépendant sur la réponse immunitaire (Dupuis 2019).

Différences entre les sexes sur les réponses immunitaires innées et adaptatives chez les adultes* (Klein 2016).

CD : Cluster de Différenciation ; IL : InterLeukine ; LB : Lymphocytes B ; LT : Lymphocytes T ; NK : Natural Killer ; TLR : Récepteurs Toll-Like (Toll-Like Receptor) ; TH : lymphocytes T auxiliaires (T helper) ; Treg : lymphocytes T régulateurs (regulatory T).

Le gène de l’IL-4

Une expression normale de l’IL-4 permettrait l’inhibition d’une inflammation modérée et la compensation des dommages mécaniques liés à la mobilisation des articulations. Une étude menée par l’équipe de Yu C, et al montre qu’une faible expression pourrait être un facteur de susceptibilité important de la PR, en induisant une surexpression de cytokines pro-inflammatoires avec inflammation articulaire et dommages au niveau osseux.

Le gène de L’IL-4 aurait ainsi un rôle clé à jouer dans les différences liées au genre.

On sait que l’IL-4 est moins exprimée chez les femmes que chez les hommes, ce qui pourrait expliquer que ces dernières soient plus souvent touchées par la PR, avec des symptômes plus sévères (Yu 2020)

La réponse immunitaire

Les hormones sexuelles jouent un rôle important dans la régulation de la réponse immunitaire innée et adaptative (Gerosa 2008).

Tandis que la progestérone et les androgènes sont considérés comme des immunosuppresseurs naturels, les oestrogènes sont impliqués dans l’immunité humorale. On retrouve ainsi d’avantage d’immunoglobulines circulantes chez les femmes (Gerosa 2008).

La grossesse chez les femmes atteintes de PR est une situation fréquente, et dans la plupart des cas, on observe une amélioration de la maladie. Cette évolution spontanée serait étroitement liée au switch de la réponse immunitaire Th1/Th2 et à une diminution de la production des cytokines pro-inflammatoires (Gerosa 2008).

Différences entre les sexes sur les réponses immunitaires innées et adaptatives chez les adultes* (Klein 2016).

CCL : CC-chemokine Ligand ; CD : Cluster de Différenciation ; CXCL : CXC-chemokine Ligand ; DCs : Dendritic Cells ; FASL : FAS Ligand ; IFN : InterFéroN ; Ig : Immunoglobuline ; IL : InterLeukine ; iNOS : inducible Nitric Oxide SynthaseND : Non Défini ; NF-κB : Nuclear Factor-κB ; NK : Natural Killer ; NO : Oxyde Nitrique (nitric oxide) ; TGFβ : Transforming Growth Factor-β ; TH : lymphocytes T auxiliaires (T helper) ; TNF : Tumor Necrosis Factor ; TLR : Récepteurs Toll-like (Toll-Like Receptor) ; Treg : lymphocytes T régulateurs (regulatory T).

REFERENCES: 1. Dupuis ML, et al. Immune response and autoimmune diseases: a matter of sex. Ital J Gender-Specific Med 2019;5(1):11-20. 2. Klein SL, Flanagan KL. Sex differences in immune responses. Nat Rev Immunol 2016;16(10):626–38. 3. Yu C, et al. Gender Differences in Rheumatoid Arthritis: Interleukin-4 Plays an Important Role. J Immunol Res 2020;2020:4121524. 4. Gerosa M, et al. Rheumatoid Arthritis: A Female Challenge. Women’s Health (Lond) 2008:195-201.

Une forte association entre les hormones sexuelles et la PR

La polyarthrite rhumatoïde est 2 à 3 fois plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes et on sait aujourd’hui que les hormones sexuelles auraient un rôle important dans le développement de la PR. En effet, les hormones sexuelles contrôlent non seulement le système de reproduction, mais régulent également le développement et l’activation de la réponse immunitaire (Gerosa 2008).

Des taux réduits d’androgènes comme la testostérone, la dihydrotestostérone (DHT) et la dehydroépiandrostérone (DHEA) ont été observés chez les hommes comme chez les femmes atteints de PR. On retrouve des taux d’oestradiol augmentés chez les hommes atteints de PR avec des concentrations plasmatiques corrélées au degré d’inflammation, tandis que les taux de DHEA et de testostérone restent bas chez ces patients. De même, de faibles taux de testostérone chez la femme ou des taux élevés d’oestradiol chez l’homme sont corrélés à un taux plus important de facteur rhumatoïde (FR) retrouvés au niveau sanguin (Gerosa 2008).

La ménopause est associée à une diminution de la production d’oestrogènes, de progestérone et d’androgènes tels que la DHEA (Islander 2011). On retrouve un pic d’incidence de la PR dans la tranche d’âge correspondant à l’apparition de la ménopause chez les femmes, ce qui suggère une association entre la baisse des oestrogènes et le développement de la PR. De plus, une ménopause précoce, c’est-à-dire avant 45 ans, pouvait être un facteur de risque de développer une PR (Sapir Koren 2017).

Hormones anti-inflammatoires
La progestérone

La progestérone est produite au cours du cycle menstruel par le corps jaune (corpus luteum) et à un niveau élevé par le placenta au cours de la grossesse (Klein 2016). La progestérone va stimuler le passage d’une réponse immunitaire à prédominance pro-inflammatoire vers une réponse anti-inflammatoire (Ortona 2016). 

Les androgènes

Les androgènes apparaissent à de plus fortes concentrations chez les hommes que chez les femmes, après la puberté (Klein 2016). La présence d’androgènes réduit le risque de développer une maladie auto-immune par leur action de suppression de la réactivité immunitaire et de l'inflammation (Gubbels-Bupp 2018) .

Les patients atteints de PR présentent des concentrations d’androgènes libres plus faibles (Gubbels-Bupp 2018). De plus, certains patients des deux sexes atteints de PR présentent des quantités réduites d'androgènes sériques déjà plusieurs années avant l'apparition de la maladie (Ortona 2016). On retrouve dans le liquide synovial des patients atteints de PR des niveaux élevés d’oestrogènes libres et des concentrations réduites d'androgènes libres, ce qui pourrait s’expliquer par une activité accrue de l’aromatase, et ainsi de la conversion des androgènes en oestrogènes. Les androgènes inhibent la synthèse et la sécrétion de deux cytokines primordiales dans la physiopathologie de la PR : l’IL-1 et l’IL-6. La conversion des androgènes en oestrogènes est donc associée à une augmentation de la production de ces deux cytokines, et ainsi de la réponse inflammatoire locale (Gubbels-Bupp 2018).

La sévérité de la PR est inversement corrélée aux taux d’androgènes retrouvés, ce qui pourrait en partie expliquer la sévérité moins importante chez les hommes que chez les femmes atteints de PR (Intriago 2019).

Hormones pro-inflammatoires
Les oestrogènes

Chez les femmes, le taux d’oestrogènes est variable au cours du cycle menstruel et de leur vie, élevé pendant la grossesse et faible après la ménopause (Klein 2016).

Les oestrogènes sont retrouvées à des taux particulièrement élevés dans les tissus périphériques des patients atteints de PR. Cela serait lié à une forte activité de l’aromatase induite par les cytokines pro-inflammatoires produites localement. Cette hausse de l’activité induit alors la conversion d’androgènes en oestrogènes.

On retrouve en particulier des taux importants de certains métabolites qui auraient un effet pro-inflammatoire (Dupuis 2019).

La prolactine

La prolactine est produite au niveau de l’hypophyse, mais également au niveau d’autres sites comme les neurones, la peau, les ovaires, le placenta, l’endomètre, l’épithélium mammaire, la prostate et les cellules immunitaires comme les lymphocytes et les macrophages du tissu synovial (Borba 2019 et Forger 2020). Des études récentes ont ainsi montré des taux plus importants de prolactine chez les patients atteints de PR au niveau du sérumet du liquide synovial (Dupuis 2019). De plus, la PR active est caractérisée par un pic d'activité tôt le matin qui est en corrélation avec les niveaux plasmatiques de prolactine (Ortona 2016).

La prolactine peut activer les lymphocytes B, augmenter la production d'IFNγ, de TNF et d'IL-17 par les cellules Teff, réguler l'activité des cellules Treg et induire la production d'IFNγ, d'IL-1β, d'IL- 12 et d'IL-6 par les macrophages (Forger 2020).

La production de prolactine après l’accouchement pourrait en partie expliquer le risque élevé de nouvelle poussée de la maladie en post-partum (Forger 2020).

FEMMES & PR : SPÉCIFICITÉS BIOLOGIQUES

Une fertilité altérée chez les patientes atteintes de PR.

FEMMES & PR : SPÉCIFICITÉS PHYSIQUES

Des comorbidités plus fréquentes chez la femme atteinte de PR.


REFERENCES: 1. Gerosa M, et al. Rheumatoid Arthritis: A Female Challenge. Women’s Health (Lond) 2008:195-201. 2. Islander U, et al. Estrogens in rheumatoid arthritis; the immune system and bone. Mol Cell Endocrinol. 2011 Mar 15;335(1):14-29. 3. Sapir-Koren R, Livshits G. Postmenopausal osteoporosis in rheumatoid arthritis: The estrogen deficiency-immune mechanisms link.Bone 2017;103:102-15. 4. Klein SL, Flanagan KL. Sex differences in immune responses. Nat Rev Immunol 2016;16(10):626–38. 5. Ortona E, et al. Sex-based differences in autoimmune diseases. Ann Ist Super Sanità 2016;52(2):205-12. 6. Gubbels-Bupp MR. Androgen-induced immunosuppression. Front Immunol 2018;9:794. 7. Intriago M, et al. Clinical Characteristics in Patients with Rheumatoid Arthritis: Differences between Genders. Scientific World Journal 2019;2019:8103812. 8. Dupuis ML, et al. Immune response and autoimmune diseases: a matter of sex. Ital J Gender-Specific Med 2019;5(1):11-20. 9. Borba VV, Shoenfeld Y. Prolactin, autoimmunity, and motherhood: when should women avoid breastfeeding? Clin Rheumatol 2019;38(5):1263-70. 10. Forger F, Villiger PM. Immunological adaptations in pregnancy that modulate rheumatoid arthritis disease activity. Nat Rev Rheumatol 2020;16(2):113-22.