Polyarthrite Rhumatoïde

Femmes & PR : Spécificités Biologiques

Une fertilité altérée chez les patientes atteintes de PR

Différentes études montrent que les patientes atteintes de PR présentent un délai avant conception plus long, sont plus fréquemment traitées pour des problèmes de fertilité et ont en général moins d’enfants que les femmes non atteintes par cette maladie (Brouwer 2015). Lors des bilans de fertilité, 41 % des patientes atteintes de PR seraient confrontées à un problème d’infertilité pour lequel il n’est pas possible d’en identifier la cause, alors que cette proportion se situe entre 8 et 28 % dans la population générale (Smeele 2019).

Résultats de l’étude PARA (Pregnancy-induced Amelioration of Rheumatoid Arthritis)
Un délai avant conception de plus d’un an pour 40 % des patientes atteintes de PR

Ce délai avant conception allongé serait notamment associé à l’âge de la patiente, au fait que la patiente soit nullipare, à l’activité de la maladie (calculée à l’aide du score d’activité DAS28) et à la prise de traitements antirhumatismaux avant conception (Brouwer 2015).

Un délai avant conception qui augmente avec l’activité de la maladie

Les résultats ont montré que chez 67 % des patientes présentant une activité élevée de leur maladie (DAS28 > 5,1), on notait une baisse de la fertilité, avec un délai avant conception de plus d’un an, comparé à 30 % chez les patientes en rémission (DAS28 < 2,6) (Brouwer 2015).

Un âge moyen des patientes atteintes de PR rencontrant des problèmes de fertilité plus élevé

L’existence d’une maladie chronique chez les patientes atteintes de PR peut faire reculer le moment de la décision de concevoir une famille ou influencer le choix d’avoir moins d’enfants (Brouwer 2015 ; Pons Molto 2021). Dans l’étude PARA, l’âge moyen des patientes rencontrant des problèmes de fertilité (c’est-à-dire lorsqu’un couple ne parvient pas à concevoir au bout de 12 mois) était d’ailleurs significativement supérieur à celui des patientes considérées comme fertiles (31,9 ± 4,3 ans vs 30,8 ± 3,5 ans) (Brouwer 2015).

Une précédente grossesse augmenterait les chances d'une grossesse ultérieure (Brouwer 2015)
 
Délai nécessaire pour concevoir chez des patientes atteintes de PR en fonction de l’activité de leur maladie (Brouwer 2015).

Méthodologie étude PARA

Une étude prospective observationnelle nationale sur la grossesse au cours de la PR, étude néerlandaise PARA (Pregnancy-induced Amelioration of Rheumatoid Arthritis), a été menée entre 2002 et 2008. L’objectif était d’identifier, chez les patientes atteintes de PR, les facteurs cliniques associés à un allongement du délai nécessaire pour concevoir. Au cours de cette étude, 245 patientes atteintes de PR diagnostiquées selon les critères de l’ACR 1987 et recherchant activement à concevoir ou étant déjà enceintes ont pu être incluses dans l’analyse (Brouwer 2015).

Les facteurs associés à une baisse de la fertilité dans la PR 

Plusieurs facteurs permettant d’expliquer cette atteinte de la fertilité et de la fécondité chez les patientes atteintes de PR ont été mis en évidence, notamment (Pons 2021) :

  • l’activité de la maladie et l’inflammation chronique associée ;
  • les conséquences de l’activité de la maladie (fatigue, douleur et handicap associés) ;
  • la consommation de certains traitements antirhumatismaux ;
  • l’âge ;
  • les dysfonctions sexuelles liées directement ou indirectement aux conséquences de l’activité de la maladie qui engendrent une diminution des rapports sexuels chez ces patientes.
Facteurs associés à une baisse de la fertilité chez les patientes atteintes de PR (d’après Pons 2021).

REFERENCES: 1. Brouwer J, et al. Fertility in women with rheumatoid arthritis: influence of disease activity and medication. Ann Rheum Dis 2015; 74(10):1836-41. 2. Smeele HTW, Dolhain RJEM. Current perspectives on fertility, pregnancy and childbirth in patients with Rheumatoid Arthritis. Semin Arthritis Rheum 2019;49(3S):S32-S35. 3. Pons M, Molto A. Fécondité et fertilité dans la polyarthrite rhumatoïde. Revue du rhumatisme 2021;88(1):41-45.

Une amélioration spontanée de la maladie lors de la grossesse

La grossesse serait associée à une amélioration naturelle de la maladie, phénomène décrit pour la première fois en 1938 par Philip Hench. (Forger 2020). Plus de 75 % des femmes atteintes de PR noteraient une amélioration de leurs symptômes ou même une rémission complète pendant la grossesse, en particulier pendant le deuxième trimestre (Gerosa 2008). Selon plusieurs études rétrospectives et prospectives menées entre 1950 et 1995 sur des patientes enceintes et atteintes de PR, cette amélioration serait observée chez 54 % à 95 % des patientes au cours de leur grossesse. Ces mêmes études ont également observé que 39 % d’entre elles atteignaient même un état de rémission (De Jong 2017).

Les causes : de multiples variations hormonales et immunologiques

Au cours de la grossesse, des modifications du système immunitaire maternel ont lieu afin de permettre la survie et la croissance foetales (phénomène de tolérance) tout en maintenant les défenses contre les agents pathogènes.

Les hormones, les cellules et les molécules solubles (comme les cytokines) agissent ensemble dans le contrôle de l’environnement pro-inflammatoire des patientes atteintes de PR au cours de leur grossesse. Cette immunomodulation favorise ainsi la réduction et le contrôle de l’activité de la maladie (Forger 2020).

Évolution de l’immunité et rééquilibrage des facteurs pro- et anti-inflammatoires chez la femme enceinte atteinte de PR (d’après Forger 2020).

IFN : InterFéroN ; Ig : Immunoglobuline ; IL : InterLeukine ; SOC3 : Suppressor Of Cytokine signaling 3 ; TH : lymphocytes T auxiliaires (T helper) ; TNF : Tumor Necrosis Factor ; Treg : lymphocytes T régulateurs (regulatory T).


Une modification importante consiste en un rééquilibrage des facteurs pro-inflammatoires et anti-inflammatoires. Alors que le périodes d’implantation de l’embryon et de post-partum se traduisent par une augmentation de facteurs pro-inflammatoires (tels que IFNγ, IL-1,TNF, IL-17, IL-6), la période de gestation, elle, se traduit par une dominance de facteurs antiinflammatoires (Forger 2020).

De nombreuses modifications immunitaires surviennent également au moment de la gestation. Par exemple, la réponse immunitaire adaptive est atténuée et passe d’un profil immunitaire strict vers un profil plus « tolérogène » avec, à l’interface foeto-maternelle, une immunité innée (cellules NK, dendritiques et macrophages) très importante.

De plus, les hormones associées à la grossesse (oestrogènes, progestérones, hCG) régulent également la baisse l’activité des cellules T (Forger 2020).

Les femmes atteintes de PR présentent un risque légèrement accru d’accouchement par césarienne ou d’accouchement prématuré par rapport à la population générale (De Jong 2017)

Alors que la proportion d’accouchement par césarienne dans la population générale est comprise entre 16,5 et 19,5 %, elle serait comprise entre 26 et 34 % pour les femmes enceintes atteintes de PR, selon différentes études. Une étude publiée par l’équipe de De Man YA, et al, a également montré que le risque d’accouchement par césarienne était associé à l’activité de la maladie (De Jong 2017).

De plus, le risque d’accouchement prématuré (< 37 SA) est environ 2 fois plus important chez les femmes atteintes de PR par rapport à des femmes en bonne santé (9,2 à 15,2 % vs 6,2 à 7,8%) (De Jong 2017).

Une exacerbation de la maladie en post-partum

Cette détérioration de la maladie se produit généralement dans les 6 mois post-partum avec un risque maximum autour de la 12ème semaine (Forger 2020). Une méta-analyse menée en 2019 par Jethwa H et al, sur 5 études prospectives, s’est intéressée à ce rebond d’activité de la maladie dans la période post-partum. Les données d’activité de la maladie à cette période ont été analysées chez 135 patientes et ont montré que ce phénomène concernait près de 50 % des patientes (Jethwa 2019). Ceci s’explique notamment par la réduction des hormones stéroïdes et par l’augmentation des cytokines pro-inflammatoires (Forger 2020).

L’allaitement : un facteur de risque d’activité plus sévère de la maladie

L’allaitement chez les patientes atteintes de PR entraîne une activité de la maladie plus élevée par rapport à celles n’ayant pas allaité à 6 mois post-partum (étude prospective) (Ince-Askan 2019). En effet, des poussées de PR surviennent chez près de 90 % des patientes allaitantes dans les 3 mois suivant l’accouchement (Borba 2019). L’allaitement maternel peut cependant être bénéfique pour les femmes qui ne sont pas encore atteintes de PR, en diminuant leur risque de développer la maladie, selon plusieurs études (Adab 2017 et Chen 2015).

Une méta-analyse de 6 études observationnelles (études cas-témoins, cas-témoins emboîtés, et études de cohorte) a été menée par Chen et al en 2015 pour étudier l’impact de l’allaitement sur le risque de développer une PR. Cette analyse portait sur un ensemble de 1672 patientes atteints de PR diagnostiquées selon les critères de l’ACR 1987 et montrait une association inverse entre allaitement et risque de développer une PR, quelle que soit la durée de l’allaitement (inférieure ou supérieure à 12 mois) (Chen 2015).

REFERENCES: 1. Förger F, Villiger PM. Immunological adaptations in pregnancy that modulate rheumatoid arthritis disease activity. Nat Rev Rheumatol 2020;16(2):113-22. 2. Gerosa M, et al. Rheumatoid Arthritis: A Female Challenge. Women’s Health (Lond) 2008:195-201. 3. De Jong PHP, Dolhain RJEM. Fertility, Pregnancy, and Lactation in Rheumatoid Arthritis. Rheum Dis Clin North Am 2017;43(2):227-37. 4. Jetwa H, et al. Does Rheumatoid Arthritis Really Improve During Pregnancy? A Systematic Review and Metaanalysis. J Rheumatol 2019;46(3):245-50. 5. Adab P, et al. Breastfeeding practice, oral contraceptive use and risk of rheumatoid arthritis among Chinese women : the Guangzhou Biobank Cohort Study. Rheumatology (Oxford) 2014;53(5):860-66. 6. Chen H, et al. Breastfeeding and Risk of Rheumatoid Arthritis: A Systematic Review and Metaanalysis. J Rheumatol 2015;42(9):1563-69. 7. Ince-Askan H, et al. Breastfeeding among Women with Rheumatoid Arthritis Compared with the General Population: Results from a Nationwide Prospective Cohort Study. J Rheumatol 2019;46(9):1067-74.

Une aggravation de la PR associée à la ménopause

Plusieurs études ont montré que les risques de développer une PR étaient plus importants chez les femmes ayant une survenue précoce de leur ménopause (Desai 2019).

Les patientes atteintes de PR présentent une maladie plus sévère en post-ménopause. En effet, les destructions articulaires sont d’avantage présentes chez ces patientes qui, par conséquent, présentent une incapacité fonctionnelle plus importante. De plus, la progression de la maladie serait plus rapide lorsque la ménopause se déclenche à un âge élevé (Shah 2020 et Kuiper 2001).

État fonctionnel des patientes en fonction de leur âge et de leur état ménopausique (Mollard 2018)

L’étude de Mollard et al, publiée en 2017, a examiné, dans une cohorte observationnelle américaine, l'association entre la survenue de la ménopause et les répercussions sur les capacités fonctionnelles (score HAQ) chez des femmes ayant développé une PR avant leur ménopause. Les femmes pré-ménopausées obtenaient un meilleur score HAQpar rapport aux femmes post-ménopausées, traduisant ainsi un déclin fonctionnel plus important survenant après la ménopause, confirmé par l’analyse ajustée en fonction de l’âge et de plusieurs facteurs (revenu total, utilisation d'inhibiteurs de facteur de nécrose tumorale, comorbidités, HAQde base) (Mollard 2017).

FEMMES & PR : SPÉCIFICITÉS PHYSIOLOGIQUES

Des différences immunologiques entre hommes et femmes.

FEMMES & PR : SPÉCIFICITÉS PHYSIQUES

Des comorbidités plus fréquentes chez la femme atteinte de PR.


REFERENCES: 1. Desai MK, Brinton RD. Autoimmune Disease in Women: Endocrine Transition and Risk Across the Lifespan. Front Endocrinol (Lausanne) 2019;10:265. 2. Shah L, et al. Do Menopause and Aging Affect the Onset and Progression of Rheumatoid Arthritis and Systemic Lupus Erythematosus? Cureus 2020;12(10):e10944. 3. Kuiper S, et al. Influence of sex, age, and menopausal state on the course of early rheumatoid arthritis. J Rheumatol 2001;28(8):1809-16. 4. Mollard E, et al. The impact of menopause on functional status in women with rheumatoid arthritis. Rheumatology (Oxford) 2018;57(5):798-802.